Béatrice Robrolle-Mary, fondatrice et présidente de l’association Terre d’Abeilles.

80% des insectes volants ont disparu au cours des 30 dernières années en Europe. Certains pesticides déciment notamment chaque année des milliards d'abeilles depuis 1995 ! La disparition de la faune pollinisatrice engendrerait une catastrophe écologique sans précédent pour l'avenir de l'Humanité. Découvrez comment l'Association Terre d'Abeilles se bat pour inverser ce phénomène.

Pouvez-vous nous raconter en quelques mots, le contexte de la création de votre association Terre d’Abeilles ?

Je suis la 4ème génération d’une grande famille d’apiculteurs du centre de la France. Je suis donc tombée dans un pot de miel depuis toute petite. Lorsque j’ai repris la société familiale, dans le courant des années 90, nous avons assisté à une hécatombe d’abeilles. Des milliers d’abeilles mortes et agonisantes jonchaient le sol, notamment dans les zones proches des grandes cultures.

En effet, en 1994, les néonicotinoïdes (classe d'insecticides agissant sur le système nerveux des insectes) sont autorisés en France. Dès 1995, nous assistions au fil des semaines de floraison, à une production diminuante de miel et à la dépopulation des ruches.

Notre première action a été de prévenir les autorités, qui n’y ont porté aucun intérêt.

La deuxième action a été de prévenir les médias pour faire le buzz. Les autorités ne tenant pas compte de notre constat, nous avons alors sollicité des scientifiques pour apporter la preuve de l’impact de ces pesticides sur ce désastre. Et ils y sont parvenus !

C’est au conseil d’Etat, après 8 ans de bataille, que nous avons obtenu successivement nos victoires : des annulations d’autorisation de mise sur le marché de ces insecticides. Il a fallu des luttes juridiques et beaucoup d’investissement économique. C’était « La bataille du pot de miel contre le pot de fer », période pendant laquelle 80% du cheptel d’abeilles était perdu…

C’est dans ce contexte que j’ai créé l’Association Terre d’Abeilles en 2002, qui a pour but de s’attaquer aux causes de la disparition des abeilles.

Pourquoi les abeilles sont-elles si essentielles ?

Parce que 85 % des plantes à fleurs répertoriées sur notre planète dépendent des abeilles et sur 100 espèces végétales qui fournissent 90 % de notre ressource alimentaire mondiale, 70 % dépendent des abeilles et autres pollinisateurs et les abeilles n’entrent pas dans la catégorie des « espèces protégées » et pourtant…

Maillon essentiel de la biodiversité au cœur de la chaîne alimentaire, l'abeille est un insecte pollinisateur majeur irremplaçable.

Quelles sont les missions de Terre d’Abeilles ?

Nous menons de front 3 actions majeures :

D’abord, informer le grand public, notamment par la pédagogie, afin d’éveiller les consciences et sensibiliser les plus petits par des animations pédagogiques sur la pollinisation. Ce sont eux, les acteurs de demain. Nous avons donc créé des supports éducatifs comme le jeu vidéo « Weezy l’abeille au royaume des super-pouvoirs », nous avons dynamisé notre accueil pédagogique, créé un rucher-école (nous réalisons des démonstrations, des ateliers, des formations pour tout âge). Nous avons aussi lancé le « Bzz Bike Tour » qui consiste à sillonner les villes d’une région pendant 1 mois et sensibiliser ainsi les écoles auprès des classes du CP au CM2. Nous utilisons aussi une « Ruche numérique » qui permet de voir et comprendre comment fonctionne une ruche de l’intérieur.

Nous avons une autre action auprès des politiques tant au niveau national qu’Européen. Au-delà de la sauvegarde des pollinisateurs, notre action vise ainsi à protéger la santé publique, notamment celle des agriculteurs, premières victimes de l’usage de pesticides.

Enfin, nous nous attelons à déclencher une prise de conscience dans le milieu agricole. Grâce à cela, aujourd’hui, Terre d’Abeilles n’est plus la seule association à se battre pour ces causes environnementales. Plusieurs associations ont vu le jour pour se mobiliser ensemble.

Nous sommes devenus un peu scientifiques, un peu juristes et surtout pédagogues. Ce sont les abeilles qui m’ont tout appris, comme elles, il faut faire synergie car la synergie dans la ruche, c’est ce qui fait l’efficacité, l’abeille vit et est efficace par le groupe. C’est par le groupe que nous aussi pouvons faire évoluer les prises de conscience et ainsi obtenir des changements.

Grâce à l’obtention d’une règlementation française plus protectrice des insectes pollinisateurs contre les pesticides, le développement des colonies d’abeilles s’est amélioré et la production de miel est plus abondante. Rien n’est cependant définitivement acquis, nous devons poursuivre nos actions en faveur des pratiques agricoles vertueuses.

Les lois passées incitant les entreprises en faveur de la RSE ont-elles un impact sur votre association ?

Oui, je pense que la loi RSE incite les entreprises à contribuer davantage auprès d’associations comme la nôtre. Les entreprises se tournent spontanément vers Terre d’Abeilles. L’année 2023 a d’ailleurs été assez exceptionnelle. Les entreprises partenaires, qui mesurent les enjeux de la cause que nous défendons, ont confiance. Nous les en remercions. Leurs dons et leur fidélité sont un immense encouragement à poursuivre nos objectifs, quelles que soient les difficultés. Terre d’Abeilles est aussi agréée par l’organisation « 1% for the Planet », ce qui accroît notre visibilité.